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Aux pieds des héros du passé

À Budapest, en Hongrie, la « Place des Héros » est un lieu emblématique. En son centre se trouvent les statues des sept chefs magyars qui, à la fin du IXe siècle, ont amené leur peuple sur la terre qui est maintenant la Hongrie.

Passé et présent se rencontrent sur cette place, comme ces jeunes adolescents assis au pied de l’un des chefs tribaux historiques. Je dois avouer que plus, je regarde cette photographie, plus je ressens un sentiment paradoxal, comme si quelque chose n’était pas à sa place et produisait ainsi une dissonance.

C’est une dissonance subtile, quelque chose qui n’est pas évident, difficile à percevoir avec clarté.

C’est une sensation qui se situe dans la relation entre le passé et le présent. D’un côté, nous avons ces magnifiques Héros qui regardent avec fierté vers l’avenir, avec un leadership, une vision, une présence forte, une stabilité et quelque chose sur quoi l’on peut compter. D’autre part, il y a ces jeunes gens qui semblent n’avoir aucun « poids » et rien de mieux à faire que… de ne rien faire.

Mais, ils le font dans l’ombre et la protection de ces Héros du passé, et cela, d’une certaine façon, est poteur d’espoir.

Quoi qu’il en soit, si une tempête venait à éclater, elle les emporterait facilement, mais les Héros du passé resteraient en place.

Nous avons tendance à ne pas tirer de leçons du passé. Nous croyons simplement que parce que nous sommes jeunes ou nouveaux, ce sera mieux. Nous avons une mémoire à court terme, et une compréhension encore plus courte de l’Histoire. Je pense qu’il s’agit de la conséquence de la culture de la superficialité que nous développons chaque fois plus.

Aujourd’hui, on achèterait un nouveau smartphone non pas parce que celui que l’on possède ne fonctionnerait plus, mais parce que avoir un produit vieux de deux ans devient – surtout pour les jeunes – inconcevable. La vérité est que l’industrie y pousse, car les produits manufacturés ont tendance à se briser ou, dans le meilleur des cas, à accuser une dégradation de leurs performances après un certain temps.

La nouvelle devise est : rien ne doit durer longtemps, tout doit être remplacé. Mais cela va bien au-delà de l’expérience du consommateur, cela devient un état d’esprit, un mode de vie : la vidéo en continu remplace les livres. Les selfies remplacent les photographies. Les tweets remplacent les « vraies nouvelles ». Et rien ne dure longtemps. Sur Facebook et autres réseaux sociaux, la visibilité d’un message est souvent de quelques minutes – sinon moins – avant d’être poussé vers le bas et remplacé par le « prochain nouveau message »… qui à son tour, durera quelques minutes.

Mais quelque chose reste. Si ce n’est pas dans notre mémoire facilement effacée, l’Histoire est écrite dans la mémoire des statues de bronze de la Place des Héros. Et ce sont plus que des statues silencieuses. Elles crient, mais le son n’est pas perceptible à nos oreilles, il entre cependant dans notre cœur – pour ceux d’entre nous qui ouvrent leur cœur.

Dans l’héritage tibétain, on trouve le concept de la « Voix du Silence » qui est l’appel que l’on peut entendre quand on prend conscience de son propre vide intérieur. C’est pareil ici. L’appel de ces héros, l’appel de l’Histoire, l’appel de notre héritage seront entendus par ceux qui sont prêts à les entendre et à y répondre.

Cela pénètre le cœur de ceux qui, dans la photo, sont assis aux pieds des héros… même s’ils ne le savent pas encore.